Heiko Gerull, chanteur et guitariste de Menhir
Dimanche 31 Mars 2013 à 20h00, by Thomas orlanth , vu 432 fois
C'est à la clôture du Cernunnos Pagan Fest 2013 et après leur concert de ce soir que je parviens à retrouver Heiko Gerull, l'un des fondateurs de Menhir.
Aussitôt, il me propose de partager une bière allemande et
nous nous installons sur un escalier au calme relatif d'un backstage.
Je sais qu'il s'agit là d'une occasion très rare, car
c'est la première fois que ce groupe de pagan metal
quasi-légendaire se produit en France...
Heiko : La dernier interview que j’ai donnée remonte à il y a huit ans.
Thomas : Oui, j’ai appris cela. En
plus, vous n’êtes pas souvent en tournée. Je vous
connais depuis l’époque de « Die Ewige Steine
» et depuis, je me suis toujours dis qu’un jour je vous
verrais en concert. Et c’était aujourd’hui !
(Rires)
Heiko : En fait, le problème,
c’est qu’on fait trop de trucs. Par exemple, cette
année, je serai à nouveau à Marle (NDLR: Le musée des Temps Barbares y organise de nombreux événements).
On va y faire une bataille reconstituée. J’ai chez moi
également un village historique, et tout cela ça fait
beaucoup de choses à faire !
Thomas : C’était justement ma première question. Tu pratiques de la reconstitution historique ?
Heiko : Oui, de la reconstitution
historique. Je reconstruis des objets retrouvés dans des tombes
d’après des radiographies d’épées, je
forge et je fais des plaquages en or et argent, comme les originaux.
Thomas : De quelle époque exactement ?
Heiko : De l’époque des
migrations des peuples, des temps mérovingiens des 3ème
au 5ème siècle en particulier.
Thomas : C’est pour cela que tu n’as pas beaucoup de temps !
Heiko : Oui, pas beaucoup de temps !
J’ai trois enfants, des chevaux et tout un tas de choses ! Je
fais tout ceci sans stress et sans démarche commerciale.
C’est pour cela que je fais tout cela depuis si longtemps : pas
de pression. Et le dernier album « Hildebrandslied » date
déjà de six ans, mais le mois prochain, on entre en
studio et nous enregistrerons quelque chose.
Mais c’est vrai que c’est drôle, aucun autre groupe a
le droit de faire cela, ne pas produire de CD pendant cinq ans. Mais
pour nous, c’est OK ! On fait nos six ou sept concerts par an,
qu’il y ait un nouveau CD ou non, on les fait par plaisir.
Thomas : En passant, c’est amusant que
tu m’aies dis que tu faisais de la reconstitution historique, car
quand on regarde vos tenues de scène de près, on remarque
que les tissus et les accessoires sont authentiques, historiques et
faits à la main.
Pour en revenir à votre futur, vous entrez à nouveau en
studio. Allez-vous vous orienter vers quelque chose de plutôt
acoustique ou plutôt… ?
Heiko : Non, comme d’habitude. Rien ne changera !
Thomas : Je demande, car c’est vrai qu’au bout de si longtemps, on peut changer…
Heiko : Non, on a plutôt
évolué vers quelque chose de plus heavy, mais
fondamentalement notre objectif est de ne rien changer. On a
d’ailleurs joué un nouveau titre pendant le sound check.
Thomas (rires) : Oui, pendant les
réglages, mais pourquoi pas sur scène pendant votre
concert ? J’y étais, et je pense que beaucoup de gens dans
la salle connaissent Menhir, bien que vous n’ayez jamais
joué en France et que vous n’êtes pas très
commercial. Est-ce que vous avez déjà envisagé de
jouer davantage à l’étranger, en France, en Italie,
en Espagne... ? Après tout, vous êtes connus dans ce
style. Ca ne vous dit rien, vous n’en avez pas envie ?
Heiko : Le problème, c’est
que nous n’avons pas de manager ou de merde dans ce genre. Quand
on nous écrit en nous disant qu’on veut nous avoir, on y
va. Quand on ne nous écrit pas, on n'y va pas !
Thomas : C’est aussi simple que ça !
Heiko : Et oui…
Thomas : Quand on écrit, comme vous,
depuis si longtemps sur un thème, on a sûrement le besoin
d’exprimer des pensées profondes, des pensées
presque philosophiques.
Heiko : La musique, ce n’est pas
un loisir, c’est une part de notre vie. On fait aussi plein
d’autres choses, et la musique en est une partie qui doit
être accomplie. On doit faire de la musique, sinon on se
ramollit. On n’a pas forcément besoin de voyager à
travers le monde, j’ai chez moi tout ce dont j’ai besoin.
On peut choisir où on va et puis, on le fait. Ca n’a pas
besoin d’être une tournée. On n’a de toute
façon pas le temps pour ça.
Thomas : Il y a aussi des festivals, pas
basés sur la musique, mais sur l’Histoire. Tu l’as
dis avant, tu vas à Marle, à titre privé si
j’ai bien compris.
Heiko : Non, avec le groupe.
Thomas : C’est donc un sujet qui
t’intéresse. Tout ce qui est histoire, pas seulement ce
qui est germanique ou celtique. Y-a-t’il d’autres sujets
qui t’intéressent ? Des thèmes qui te touchent et
sur lesquels tu aimerais un jour écrire une chanson ? Quelque
chose de totalement différent, par exemple sur les Indiens ou
n’importe quoi d’autre.
Heiko : Tout ce qui va du
6ème siècle, avec les germains, l’époque
mérovingienne, époque où ils sont allés en
Angleterre puis au nord. Puis jusqu’au 8ème au
10ème siècle avec les vikings. Tout cela a disparu,
l’esprit germanique et tout ça. Un peu comme les
samourais. Les castes guerrières germaniques. Cette recherche
spirituelle. La vie spirituelle, nous ne la voyons plus. Pour moi,
c’est de la culture générale, les autres appellent
ça de la fantasy, et ne peuvent pas s’imaginer que cela
ait pu exister, c’était la vraie vie.
Les archéologues voient des trésors archéologiques
et disent que c’était comme ci ou comme ça et les
copient, mais tout ce qui est derrière, ça ne les
intéresse pas. Ce n’est pas leur travail. Ils se battent
entre eux par livres interposés, mais la raison profonde de
l’archéologie, ce n’est pas ça. Certes, il y
a les objets retrouvés, mais ce qu’ils ont pensé,
comment ils ont vécu, ce n’est pas facile. Les
archéologues ne le voient pas.
Thomas : C’est une expérience personnelle en somme. Est-ce que tu lis beaucoup ?
Heiko : Oui, j’ai besoin de lunettes pour lire à force !
Thomas : Par exemple, quels sont tes dernières lectures ?
Heiko : Hermann Löns
« Der Wehrwolf » (Le Loup-Garou). Il parle de la guerre de
Trente ans et de la difficulté de la vie à
l’époque. La forêt s’est
régénérée complètement, mais les
gens ont disparu. Dans mon village, pendant la guerre de Trente ans, il
y avait 900 habitants, et il n’en est resté que six.
C’était terrible. Que ce soit les mercenaires, des
suédois, des danois, ils ont tué tout le monde. Le livre
de Hermann Löns raconte ce que les gens ont vécu, comment ils se sont défendus.
Thomas : Encore une thématique historique.
Heiko : Oui.
Thomas : Pour changer de sujet et revenir au groupe, j’ai remarqué que vous n’aviez pas de bassiste ce soir ?
Heiko : Oui, notre bassiste est malade actuellement et manque à l’appel.
Thomas : Est-ce que tu peux définir,
en ce qui te concerne, ce qu’est Menhir en 2013 ? En un seul mot,
je sais c’est difficile !
Heiko : Recherche spirituelle,
depuis toujours. J’ai aussi participé à construire
un village historique, et je m’en occupe toujours. La musique, ce
que je fais avec proches, tout va ensemble.
Thomas : Qu’est-ce que tu aimerais dire aux lecteurs de la Grosse Radio en France ?
Heiko : D’essayer de ne pas juste
lire un livre, mais d’essayer de comprendre ce qui est
marqué entre les lignes. C’est tout un art de savoir lire
entre les lignes. C’est ce que plus personne ne sait faire. Tout
ce qui est représenté de nos jours est faux. Toute la
société est représentée d’une
certaine manière, et tu ne dois pas chercher à
comprendre. Ils ne le veulent pas. Ils ne veulent pas que la
beauté du passé revienne. Nous sommes dans une impasse.
Si on remonte par exemple vers -800 à -200, il n’y avait
personne qui restait dans le caniveau comme au moyen-âge ou de
nos jours. C’était ordonné. Il y avait des sippe (NDLR : famille étendue chez les germains),
c’était important, comme la famille, sinon ça ne
fonctionne pas. De nos jours, chacun court seul dans son coin.
C’est faux. Tu tombes malade. Tu as besoin d'avoir tes gens
autour de toi, et ça va mieux. Tu dois pouvoir trouver ces gens
qui seront tes proches, et c’est difficile.
Thomas : Je te remercie pour cette très intéressante discussion !
Hors interview, nous avons continué à discuter longuement. Ce que j'ai retenu, c'est qu'Heiko
est une personne simple, soucieuse du bien être des gens et qui a
une véritable et profonde réflexion. Bref, "un type bien"
comme on aimerait en connaître davantage.
Nous avons donc hâte de le revoir avec Menhir quelque part en France ou ailleurs, et bien sûr d'écouter leur prochain album actuellement en création !
Thomas Orlanth
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